Interview de la IIHF avec le président de la FRBHG Pascal Nuchelmans Interview de la IIHF avec le président de la FRBHG Pascal Nuchelmans

Nous venons d’apprendre que la IIHF a publié sur son propre site (IIHF.com) un entretien réalisé voici quelque temps avec le président Pascal Nuchelmans. L’interview s’était déroulée durant la saison dernière, à Liège, durant la Finale de la Coupe. Nous vous proposons bien volontiers sa traduction dans son intégralité:

“  LIEGE, Belgique – Le pays est mieux connu pour le riche passé dans les beaux-arts et la large diversité de bières, chocolats, gaufres et les frites. Quand on parle de hockey sur glace, ce n’est pas la Belgique qui vient en premier dans l’esprit des gens. Toutefois, étant un des membres fondateurs de l'Union européenne, la Belgique est aussi un des cinq pays à avoir fondé la Fédération Internationale de Hockey sur Glace, dès 1908.

Alors que les quatre autres pays, Grande-Bretagne, France, Suisse et Bohème (de nos jours la République tchèque) ont fait des éclats sur la glace, la Belgique a erré dans les divisions inférieures durant les récentes décennies. Cela n’est pas le reflet d’un manque d’ambition. Au contraire, le président de la Royal Belgian Ice Hockey Federation (RBIHF) Pascal Nuchelmans s’est donné pour  mission d’amener la discipline à un autre échelon.

Dans une nouvelle aréna à Liège, IIHF.com a tenté de se remettre au courant et d’en apprendre davantage avec Nuchelmans, sur le passé, présent et avenir du hockey belge.

Sport en croissance

«Un des plus grands problèmes lorsqu’il s’agit de faire évoluer un sport, c’est de disposer d’installations appropriées. Dommage que nous, fédération, dépensons beaucoup d’énergie mais, comme les installations ne sont pas adaptées, le public ne se déplace pas» déclare Nuchelmans. «Avec autant de choix possible, vous devez vous assurer que les gens ne verront pas seulement du hockey sur glace mais qu’ils pourront aussi bénéficier d’une bonne nourriture, de boissons et d’un siège. Je suis convaincu que nous offrons assez de qualité mais que les installations appropriées font défaut. C’est pourquoi je suis très fier que Liège ait réalisé cette aréna de 1.200 places assises.»

L’aréna est une première étape pour le développement futur du sport dans le pays et il donne maintenant à la Belgique l’opportunité d’accueillir des tournois IIHF  officiels. «Comme dans d’autres disciplines sportives, les ressources financières sont nécessaires pour progresser à pas de géant. Nous ne sommes pas une fédération très riche, aussi devons-nous soigneusement choisir nos objectifs.» dit-il. «Nous avons mis notre focus sur la formation des jeunes, le recrutement et l’entraînement des gardiens. Notre ‘Director of Development’, Johan Bollue, obtient de grands résultats, avec le concours aussi de la IIHF qui offre son support pour la mise sur pied de camps de formation.»     

Sous cet angle, une attention toute particulière est portée aux performances des équipes nationales juniors. L’équipe U18 de Belgique a accompli un excellent travail, terminant à une confortable 4ième place dans la Division II Groupe B, dès après s’être extirpée de la division inférieure l’année d’avant. L’équipe U20 a eu moins de succès en ne comptabilisant aucun point dans un groupe qui comprenait pourtant aussi Israël et l’Australie, des équipes de moindre calibre. L’année prochaine, les U20 devront prendre part à la Division III, un niveau où ils n’avaient plus évolué depuis 2007.               

Nuchelmans ne s’en inquiète pas trop. «La relégation était quelque peu attendue,» admet-il étrangement. « D’année en année, nous voyons des nations nous rattraper, le hockey y étant véritablement le sport numéro un ou deux. Durant un des congrès IIHF, j’ai demandé à un de mes collègues, président de fédération, comment il parvenait à dispenser 4-5 heures de pratique quotidienne. Je m’étonnais de savoir comment cela s’agençait avec les obligations scolaires.»

La réponse qu’il reçut résumait tout: «L’école ? L’école ? Nous jouons au hockey sur glace, c’est notre objectif principal.» Cette approche dans la mentalité force la Belgique à penser différemment et à être plus créative afin d’arrêter la glissade au niveau du classement mondial.   

 Fonds financiers

La Fédération Belge de hockey sur glace n’a pas seulement l’intention de payer des sommes d’argent pour accroître le temps de glace, comme souvent dans ce genre de situation. Nuchelmans développe ses idées qui implique la modification de la mentalité concernant le hockey en Belgique. «Dans notre pays, le hockey vient après les amis, la famille, l’école, etc., tandis que c’est tout différent dans d’autres nations,» explique-t-il. «Comprenez-moi bien, je pense vraiment qu’il y a des choses plus importantes dans la vie que le hockey. Oui, je plaiderai toujours pour qu’une éducation appropriée soit plus importante que le hockey mais nous devons faire face avec les ressources que nous avons et, autant que possible, développer le sport avec le temps mis à notre disposition.»

Nuchelmans n’attend pas trop d’aide venant du Comité Olympique belge (COIB). « La seule chose que j’obtiens d’eux, c’est une facture annuelle de €750, » dit-il en plaisantant. «Évidemment, leur but n’est pas de promouvoir le sport mais de préparer les athlètes pour une participation olympique, une chose dont nous ne nous rapprochons d’aucune manière. Le développement des sports relève des fédérations. Aussi, devons-nous toujours tout financer par nous-mêmes.»    

Maintenant, la fédération n’est plus endettée, ce qui n’était pas le cas dans le passé et le Président veut poursuivre dans cette voie. «Nous pourvoyons à notre propre budget en produisant des événements particuliers, comme la soirée mondaine annuelle de fin de saison, ainsi que, ce qui est réjouissant, en sensibilisant les clubs pour que leurs paiements soient fiables et effectués à temps, ce qui constitue un must. Les clubs doivent s’y habituer mais quand ils ne satisfont pas aux exigences, nous les bannissons de la ligue, tout simplement. Se déclarer en banqueroute, uniquement pour redémarrer sous un autre nom, cela ne se fera pas avec moi  à la tête de la fédération.»               

D’autres soutiens que la fédération explore actuellement proviennent de la IIHF qui a différents projets en cours et auxquels nous pouvons souscrire. Leur financement n’arrive pas nécessairement sous forme d’argent mais peut aussi consister en apport d’équipements, de connaissances ou de personnel. Jusqu’ici, nous sommes heureux avec les retours qui ont été engrangés, ainsi qu’avec les personnes qui nous ont aidés et apportés leur contribution avec ardeur et compétence,» approuve Nuchelmans.       

Profit et partage d’expériences

Comme dans beaucoup d’autres nations plus petites, une piste qui s’est avérée fructueuse pour les jeunes talents, est de jouer hors des frontières nationales. Actuellement, un certain nombre de Belges évoluent en Amérique du Nord et en Allemagne, alors que la France et les Pays-Bas voisins sont devenus des lieux de travail courants.

Nuchelmans est réaliste au sujet des joueurs les plus talentueux qui ne jouent pas en ligue belge et il n’en conçoit aucune amertume. «C’est quelque chose que nous ne pouvons pas stopper. En jouant à l’étranger, j’espère qu’ils parviennent à y développer leurs compétences, sur et en dehors de la glace, pour que, lorsqu’ils reviennent, ils puissent réinvestir leurs connaissances et leur expérience dans le hockey belge.»

À l’instar de plusieurs autres pays ayant leur équipe U20 incorporée en ligue inférieure comme une équipe de club, la Belgique se trouve dans une situation singulière puisque l’entièreté de son équipe nationale joue quasiment dans la même équipe: HYC Herentals. Depuis plusieurs années maintenant, cette équipe prend part à la ligue néerlandaise la plus chevronnée et elle n’a rien à envier à ses adversaires.

Le Président de la FRBHG éprouve des sentiments mitigés quant à la situation du HYC Herentals. «Je veux d’abord souligner que je suis très fier de ce que cette équipe a réalisé. Cela constitue une belle récompense pour leur implication, depuis de nombreuses années, envers le hockey junior, quand d’autres équipes ne le faisaient pas,» souligne Nuchelmans.

«Le fait que le noyau de l’équipe nationale peut jouer ensemble, à un niveau plus élevé, est aussi profitable pour tout le monde. Aussi, je voudrais leur donner toute latitude pour davantage d’essor et de développement. A contrario, cela signifie aussi que le talent et l’expérience ne sont pas répartis parmi les autres équipes.»

L’idéal, selon Nuchelmans, serait de restructurer le hockey belge vers un modèle faisant jouer, durant la moitié de la saison, tous les membres de l’équipe nationale dans une ligue de haut niveau. Dans la deuxième partie, ces joueurs seraient alors dispersés entre toutes les équipes évoluant en ligue belge, afin de répartir le niveau du talent et de l’expérience.  

«Malheureusement, cela n’existe pas pour le moment mais j’aimerais bien lancer l’idée pour voir comment les clubs y réagiraient», révèle-t-il. «Au final, la préoccupation principale de la fédération est d’améliorer le hockey belge et pas uniquement HYC Herentals, évidemment.»

Une équipe U20 distincte qui participerait à une ligue belge est aussi une idée à laquelle le président a pensé mais elle ne peut se réaliser du jour au lendemain et nécessite, au préalable, l’approbation et l’acceptation de tous les clubs.

«En définitive, je veux m’assurer que tout le monde puisse en profiter, et non pas seulement quelques équipes. Nous avons finalement installé les conditions pour que les clubs communiquent ouvertement, entre eux et au sein de la fédération, plutôt que d’ester en justice l’un contre l’autre. Le surplus d’énergie peut maintenant être dépensé pour le développement.»

Pas de manque d’innovation

C’est un des nombreux changements que la FRBHG a accompli ou a planifié pour l’avenir. Au cours des dernières années, beaucoup de changements sont intervenus dans le hockey belge. La finale de coupe de Belgique n’est plus diffusée en télévision partout dans le pays, les gains potentiels ne couvrant pas les coûts. Au lieu de cela, des TV locales la diffusent afin de générer plus d’intérêt dans les régions. Par ailleurs, différentes nouvelles pistes engendrant des revenus additionnels sont examinées. Ainsi, par exemple, les espaces commerciaux sont maintenant vendus plutôt que cédés gratuitement.

Les choses ont également changé dans le milieu entourant les compétitions en lien avec l’équipe nationale. «Par le passé, l’habitude était de les considérer comme une sorte de divertissement, et labellisé comme tel. Quand j’ai été élu président, une des premières choses que j’ai formulée fut que ces ‘sorties’ devaient cesser. Je refuse de dépenser autour des 100.000€ pour un divertissement réunissant 60 joueurs. Sinon, j’ai menacé de retirer la Belgique de toute participation internationale.»         

Les choses ont maintenant changé, selon Nuchelmans. «Au niveau des seniors, les joueurs travaillent dur, sans recevoir de compensation financière. Au niveau des juniors, ils doivent souvent contribuer personnellement à leur financement. Je pense qu’on peut montrer de la fierté, de l’engagement et de l’effort, toutes choses primordiales, lorsque la représentation d’un pays est en jeu. Le temps du divertissement est pour de bon derrière nous.»                    

En regardant de manière critique chaque euro dépensé, il ambitionne que la fédération puisse conserver une situation financière saine. «Si nous pouvons effectuer un voyage international par car plutôt qu’à bord d’un avion, nous le ferons. De même pour notre équipement, très onéreux à expédier par air. Désormais, nous louons une fourgonnette que quelqu’un mène à destination en un jour ou deux, en espérant aussi qu’il revienne avec tout le barda,» plaisante-t-il.

Toutes les économies faites le sont dans le but exclusif d’investir plus d’argent dans le sport. Un élément qui profite autant à la fédération qu’aux clubs. «En définitive, c’est aux clubs qu’appartient la fédération.»  

Le hockey féminin en Belgique n’est ni oublié ni négligé. En absence d’une ligue spécifique et vu le nombre limité de joueuses pratiquant cette discipline, Nuchelmans a été forcé de trancher si la fédération pouvait justifier la dépense d’énergie et d’efforts dans ce département sportif.

«J’ai rassemblé le noyau de l’équipe nationale et je les ai défiées de se prendre en main pour prouver qu’elles méritent une place dans le concert du hockey belge,» se souvient-il. Ce qui s’en suivit l’étonna positivement. «Ces femmes se sont surpassées et ont multiplié les excellentes idées. Je dois honnêtement dire qu’elles font plus pour promouvoir le sport que la moyenne des équipes masculines. Elles sont, par exemple, présentes à la finale de la coupe de Belgique pour y vendre des maillots que nous leur fournissons, ce qui leur génère un certain revenu.»   

Lentement mais sûrement, le hockey féminin en Belgique progresse, particulièrement dans les tranches d’âge les plus jeunes. Pourtant, sans pouvoir compter sur une ligue féminine, la IIHF n’autorisera pas aux femmes belges de participer à des événements internationaux officiels.

Pour satisfaire à cette demande, nous sommes à la recherche d’une collaboration avec nos voisins français pour voir si nous ne pouvons pas instaurer une ligue conjointe avec le Nord de la France et ce, dans un futur proche. Les pourparlers sont actuellement en cours,» révèle Nuchelmans.

Temple de la Renommée

L’entretien arrivant à son terme, Pascal Nuchelmans est probablement loin d’avoir donné avec précision tous les projets qu’il a en tête pour assurer au hockey sur glace un avenir encore plus faste en Belgique. Mais le futur ne vaut pas grand-chose si vous ne connaissez pas votre passé. En Belgique, le passé, c’est Paul Loicq.

Tandis que la plupart des pays n'ont jamais eu un Président à la IIHF, la Belgique en a compté deux (Henri Van Bulcke et Paul Loicq), autant que le Canada, les USA et la Grande-Bretagne.

Loicq, ancien joueur, arbitre et président de la fédération, entré au Temple de la Renommée, a contribué aux grandes avancées de la discipline partout en Europe, au cours du XXème siècle. Un prix (award) de la IIHF à son nom lui a survécu et est décerné chaque année pour mettre à l’honneur une personne pour sa contribution exceptionnelle au profit de la IIHF et du hockey sur glace international.     

Bien que la Belgique ne soit pas aussi influente qu'à l’époque, la FRBHG essaie d'établir son propre ‘Hall of Fame’ où Paul Loicq y aura une place de choix.

«Paul Loicq est le début de tout. Il a donné une place à la Belgique sur l’échiquier du hockey,» dit Nuchelmans.

Bien qu’à plus petite échelle, Nuchelmans essaie de faire de même, pas à pas, et en prenant le temps, dans le but d’assurer que la Belgique soit reconnue par le public pour son jeu plus rapide sur la glace.

Notes:

  • La Fédération Royale Belge de Hockey sur glace, créée en 1912, a récemment lancé un tout nouveau site Web avec plus de contenu et un tout nouveau look: www.rbihf.be
  • La Belgique compte juste un peu plus de 1.000 joueurs de hockey enregistrés, dont près de 75% de U20 (372). L’équipe nationale masculine est actuellement classée 34ième et a conquis récemment une médaille d’argent en Division II, Groupe A, en Croatie.
  • Le joueur le plus célèbre que la Belgique peut vous proposer est probablement Mike Pellegrims qui a disputé plus de 500 rencontres dans la ligue majeure allemande (DEL) et qui a pris part, à de multiples reprises, aux matches des étoiles de la DEL (DEL All-Star games).
  • La saison belge de hockey comporte deux compétitions: la Coupe de Belgique et le Championnat belge. Toutes les deux rassemblent sept équipes.
  • Au cours de plus de cent années d’existence, beaucoup d’histoires mémorables ont été vécues. L’une d’elles, toujours aussi célèbre, est celle de la ‘Royal Belgian Ice Cream Federation’. Cette histoire s’est déroulée vers le 15 octobre 1996. Un colis adressé à la fédération par le biais d’un service de livraison était libellé: « Roy. Belg. Ice. Fed. – Secret. General Mad. J. Clement – Tremelo ». Et le conducteur traduisit cela comme étant la «Fédération Royale Belge des Crèmes Glacées»; il commença alors une recherche qui s’avéra évidemment infructueuse et le soir venu, il dut retourner bredouille à son dépôt. Néanmoins, le conducteur persista le jour suivant, se renseignant cette fois au bureau de poste local où cette méprise amusante fut tout de suite repérée.

JOERI LOONEN (traduction MK)

(c) by IIHF

Posted on November 11, 2013 at 14:00 by MK

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